Contribution de l’AFSSI à l’amélioration du dispositif du Crédit d’Impôt Recherche (C.I.R.)
Lors de la présentation du Pacte de compétitivité en novembre 2012, François Hollande, le Chef de l’Etat, a annoncé la pérennisation du dispositif fiscal du CIR, au même titre que celle de l’ISF PME, du dispositif Madelin.
Le CIR un dispositif fiscal complexe mais fondamental pour le financement de l’innovation en France.
Il ne s’agit pas d’une « subvention » distribuée au bon vouloir du personnel politique, mais un véritable outil technique d’incitation à l’innovation, priorité affichée par de nombreux gouvernements surtout en période de crise économique.
Il est utilisé par plus de 20.000 entreprises innovantes chaque année en France. Il est aussi un facteur d’attractivité pour les investisseurs étrangers.
Le législateur a voulu limiter l’impact budgétaire de ce dispositif qui fut, jusqu’au lancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en 2014, la principale dépense fiscale de l’Etat. En 2015, selon la loi de finances, son montant devrait s’élever à 5,34 milliards d’euros, loin des 10 milliards d’euros versés aux entreprises via le CICE. Pour autant il motive à lui tout seul l’essentiel des contrôles fiscaux au même niveau que ceux en relation avec l’URSSAF. En parallèle, l’administration a émis en avril 2014 une instruction fiscale BOI-BIC-RICI-10-10-20-30-20140404 dont les conséquences conduisent à une fragilisation des entreprises utilisatrices du CIR.
Les acteurs de l’Innovation en France sont donc en droit de se demander si l’administration respecte bien l’essence même de la volonté du pouvoir politique et celle du législateur.
L’AFSSI est en première ligne dans la défense du CIR et de son utilisation efficace au profit de l’Innovation sur le territoire.
L’AFSSI regroupe des PMEs et des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) qui mènent des travaux à forte valeur ajoutée en apportant leurs expertises, savoir-faire et compétences auprès de start-up, de PME, d’ETI et grands groupes industriels conduisant leurs produits vers le marché. A l’image d’autres secteurs industriels (automobile, aérospatiale, etc.) les opérateurs industriels de la pharmacie, de la cosmétologie, de l’environnement, etc. ont fait le choix de ne plus entretenir en interne les équipes hyperspécialisées mais d’aller chercher à l’extérieur les compétences essentielles à leurs programmes innovants.
La performance de nos sociétés s’appuie sur le développement et le maintien permanents de leurs expertises scientifiques et technologiques. Pour cela, elles mènent aussi des programmes de recherche propres pour élargir leur offre de prestation de R&D. Ils contribuent à l’Innovation technologique, de nouveaux services ou produits innovants, source de licences pour les industriels et opportunité de création de nouvelles sociétés. Ainsi, nos entreprises, assises sur un modèle mixte de produits et de services, sont un maillage essentiel de l’économie nationale et de la compétitivité irrigant l’ensemble de l’écosystème industriels des Sciences de la Vie.
A ce titre elles sont les acteurs authentiques de la mise en œuvre des incitations gouvernementales en faveur de l’Innovation. Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est donc un élément central et majeur de leur équilibre financier.
Il ne faut pas que la suspicion excessive des services fiscaux engendrent un impact négatif ravageur sur nos entreprises et génèrent des situations paradoxales qui sont contradictoires avec les incitations à l’excellence scientifique, technologique et industrielle que l’Etat vise à juste titre.
Or désormais une entreprise agréée CIR ne peut plus mener des projets de R&D sur fond propres avec le même niveau d’investissement qu’auparavant, le CIR ne produisant plus d’effet de levier attendu. Cette instruction fiscale produit donc des effets contraires aux politiques publiques en faveur de la R&D quand bien même ces efforts de R&D constituent le facteur essentiel de la restauration de la compétitivité de la France.
L’AFSSI ne s’arrête jamais à la simple et radicale critique. Elle propose au contraire des aménagements de la réglementation conciliables avec les objectifs des pouvoirs publics et les opérateurs de la filière.
Plusieurs requêtes visant à simplifier et améliorer le dispositif ont été déposées auprès de la Médiation Nationale de l’Innovation.
Imposer aux donneurs d’ordre d’afficher leurs recours au CIR
Dans la réglementation usuelle – certes remise en cause dans un projet d’instruction fiscale récent mais encore en débat – il est possible à un prestataire de service de R&D d’inclure une part du montant d’un programme innovant qui lui a été confié par un donneur d’ordre, si celui-ci ne l’a pas comptabilisé dans son assiette de CIR pour des raisons qui lui sont propres.
De cette possibilité réside un risque théorique que le montant déclaré n’apparaisse par erreur deux fois dans les sommes demandées à l’état. Une fois par le donneur d’ordre et une fois par l’entreprise de services.
L’AFSSI demande à ce que les donneurs d’ordre déclarent obligatoirement si les montants faisant l’objet d’une prestation de service seront ou non inclus dans sa propre déclaration pour le CIR. (Notion d’une base de données nationale et transverse)
Créer un agrément CIR pour une filière d’entreprises innovantes.
Compte tenu (1) de la disparition – par fermetures ou délocalisations – des centres de créativité de l’industrie ; (2) de l’attente des pouvoirs publics de l’émergence de projets innovants des laboratoires académiques, la structure actuelle de la chaîne de valeurs de l’innovation en France aujourd’hui place la filière des Sociétés de Services et d’Innovation au centre des opérations d’innovation en Sciences de la Vie. Ce sont ces entreprises qui assurent la maturation des projets académiques. Ce sont elles aussi qui réalisent sur le sol national les tâches externalisées des industriels du secteur. Elles sont donc l’outil clé de la mise en œuvre des ambitions d’Innovation des pouvoirs publics.
A ce titre il est stratégique de donner à cette filière les moyens de ses engagements en lui conférant les moyens pour assumer son rôle et notamment en reconnaissant d’emblée la nature innovante de ses activités.
L’AFSSI demande à ce que soit défini, négocié et mis en place pour ses membres un statut de « filière innovante » qui leur permette de voir accrédités automatiquement « CIR » l’ensemble des programmes de R&D qu’ils réalisent.
Egaliser les avantages du CIR entre travaux innovants réalisés dans le secteur public ou dans le secteur privé.
Un facteur deux existe aujourd’hui entre les assiettes de travaux innovants prises en compte pour calculer le CIR selon que les travaux ont été réalisés dans une structure publique ou une structure privée.
Ce fait est inique. Ainsi l’état s’est auto-attribué un avantage concurrentiel pour que les industriels aient intérêt à sous-traiter aux structures dont il a la charge, la réalisation de travaux de R&D au mépris de l’activité des PME et ETI qu’il a parfois lui-même contribué à créer par le jeu des incitations à la création d’entreprises.
De plus, il est apparu à de multiples reprises que la qualité commerciale (garanties de qualités ; relations clients ; nature des rapports ; …) des prestations réalisées par les structures publiques n’atteignent pas les critères exigibles d’un fournisseur privé.
Cette distorsion de concurrence est de nature à faire l’objet d’une prochaine saisine des Autorités compétentes. L’AFSSI demande un traitement égalitaire de la prise en compte des travaux éligibles au CIR quel que soit l’appartenance du prestataire.
Garantir et favoriser l’accès des PMI-PME au CIR,
en diminuant les seuils maximum de perception pour le CIR pour les grosses sociétés avec déplafonnement en cas de recours à des prestataires de recherche et d’innovation.
Ne pas remettre en cause le caractère innovant d’un programme déjà validé par des Comités d’Expert.
Bon nombre de programmes de Recherche et Développement en France bénéficient de soutiens par des organismes publics (BPI France ; PIA, FUI ; ANR ; collectivités territoriales ; …). Ces soutiens ont pu être sollicités par des opérateurs publics ou privés ou des partenariats. L’attribution est toujours assujettie à des avis d’experts réunis par des Pôles de compétitivité ou par les organismes attributaires. Souvent ces projets sont réalisés sur plusieurs années et assortis de rapports annuels très détaillés autant sur le registre scientifique que financier (suivi des dépenses) remis aux institutions ayant dispensé l’aide financière. Il n’est pas rare que l’administration fiscale conteste le caractère innovant de ces programmes pour invalider le CIR et fasse appel à ses propres experts.
A ce stade il apparait qu’il existe une déconnection entre les agents du fisc en charge du contrôle et ce type d’information. Ceci pourrait être corrigé très facilement par la création d’une base informatique nationale centralisant les projets et leur expertise et le suivi consultable par les agents du fisc.
L’AFSSI demande à ce que la chose jugée ne soit pas remise en cause et que les différentes instances publiques en charge du soutien à ces projets et notamment de l’estimation du caractère innovant d’un programme de R&D partage ces infos avec les inspecteurs de l’administration fiscale.
Déconnecter le versement du CIR du déroulement d’une inspection fiscale.
Quelque légitime soit la tenue d’une inspection fiscale par l’administration, celle-ci ne préjuge pas d’une éventuelle et improbable contestation du bien-fondé du CIR calculé. Celui-ci est d’ailleurs toujours intégré dans les comptes d’exploitation prévisionnels des bénéficiaires. Il apparaît aujourd’hui que l’administration suspend de manière discrétionnaire les versements programmés le temps de l’inspection et conditionne son versement à la conclusion de celle-ci. Cet usage n’a pas de fondement légal, n’est justifiée que par un préjugé détestable de suspicion et représente une mesure délétère pour la trésorerie des entreprises.
L’AFSSI demande l’abrogation de cet usage par l’édition d’une instruction fiscale appropriée.
CIR et équipements
Nous proposons que les équipements pris en compte dans le CIR le soit, quel que soit leur mode de financement : achat neuf, achat occasion, location courte ou longue durée.
Parallèlement à ce constat, on apprend que des services de l’Etat imaginent de restreindre les avantages du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI). Comment alors ne pas voir dans les menées des pouvoirs publics une volonté de freiner l’Innovation sur notre territoire ? Que les décideurs publics ne fassent pas l’économie de recueillir les avis des acteurs de notre filière industrielle avant d’appliquer des mesures contraires aux objectifs de croissance de notre pays.