Claude-Alain CUDENNEC
Claude-Alain CUDENNECDélégué général AFSSI

La France a vu apparaître, passer et quelquefois se développer des fleurons académiques et industriels des Sciences de la Vie. Des Sciences fondamentales telle l’Immunologie, la Génétique, la Biologie du Développement, … ont fait en France des progrès essentiels. L’industrie pharmaceutique y a été florissante portée par des groupes privés familiaux, la Cosmétologie lui doit bien des succès, l’Agriculture et la Nutrition s’y développent, l’Environnement par le traitement des eaux lui confère la position de leader international, …

Alors, pourquoi tant de nos entreprises technologiques innovantes en Sciences de la Vie sont-elles aujourd’hui en France dans une situation de combat pour faire reconnaître leur potentiel?

Les magnifiques succès de l’aéronautique feraient-ils de l’ombre aux Sciences de la Vie ? Mais on n’est pas sur la même logique d’innovation ! Quand on conçoit un avion de ligne performant, on excelle dans l’intégration des technologies validées. On ne les crée pas. Quand on identifie un candidat médicament on révolutionne jusqu’aux méthodes d’analyse.

Des délais de développement nécessairement plus longs que les logiciels et autres produits des Sciences de l’Ingénieur feraient-ils peur ? L’étirement dans le temps – pourtant justifié par la sécurité – des phases de R&D dissuadent les investisseurs, impatientent les pouvoirs publics, fragilisent les programmes victimes d’incessants changements législatifs, réglementaires, et fiscaux. Et pourtant, quel secteur industriel peut-il rivaliser avec les marges générées et la durée de vie des produits et procédés biologiques ?

Une dépendance aux ressources académiques serait-elle encombrante ? La preuve même que la R&D en Science de la Vie est par nature innovante: elle ne peut se passer de relations étroites et constantes avec la recherche académique. A condition que les plateformes académiques ne viennent pas empiéter sur leur activité industrielle mais qu’au contraire elles apportent aux entreprises leur socle de connaissance.

Le public et les medias français ne seraient-il pas fiers de leur industrie en technologie du vivant ? Agir sur le vivant, en décupler l’impact favorable sur nos vies, ne serait-il pas respectable ? Il existe encore des procès en sorcellerie contre de telles manipulations. Et pourtant n’est-ce pas ce que l’évolution a façonné au cours de millions d’années ?

Le prix de la santé et du respect de la nature commencent ils à poser problème ? La qualité de vie aura bientôt un prix plafonné en fonction de l’âge et de la condition du citoyen. Notre modèle français basé sur l’égalité y résistera t il ? La science offre des solutions nouvelles aux individus mais l’économie fera des choix. Dans les pays développés les maladies liées à l’augmentation de l’âge des populations et au mode de vie sont devenues des priorités. Il faut faire reculer la mort à tous prix. L’issue est dans l’innovation. Cela a un prix.

Une parcellisation géographique et thématique très forte diluerait-elle la perception de la richesse de notre pays en entreprises innovantes ? Sans doute. Car ce sont des centaines d’entreprises expertes dans leur domaine qui émergent dans des territoires très étendus. La taille et le nombre d’entreprises ne font pas loi pour garantir l’innovation. Le fractionnement de la chaine de création de valeur ouvre des opportunités,mais il faut l’excellence scientifique et entrepreneuriale pour créer des succès et une relation saine avec le temps.

Malgré tout cela, il est acquis que sans ce tissu d’entreprise, ce sont les grands acteurs industriels dans la Pharmacie, la Cosmétologie, l’Agro-food, l’Environnement qui seront privés de compétences pour aller au bout de leurs programmes de commercialisation, sauf à aller chercher ces compétences  … ailleurs.

La France n’est pas moins capable, inventive et entreprenante aujourd’hui qu’elle le fut hier ! Il est donc impératif de permettre l’éclosion de son potentiel industriel dans les Science de la Vie.

La riposte est dans l’alliance des forces complémentaires, la communication bien tempérée, la simplification des relations entre les partenaires de cette filière. Nous devons inventer le modèle économique et social qui nous permettra de répondre aux enjeux d’innovation. Il faut que des meutes se constituent et s’animent autour de projets. La première valeur sera leur vitalité.

C’est le mandat que les entreprises technologiques françaises en Science de la Vie ont confié à l’AFSSI. Fédérer ces talents industriels, offrir une interface privilégiée aux partenaires – publics ou privés –  pour pénétrer ces gisements de compétence, porter l’image du dynamisme entrepreneurial et alerter sur les conséquences destructrices de l’inconstance des tutelles.

Programme vaste mais aussi déterminé que la Vie elle-même ..