Philippe GENNE
Philippe GENNEPrésident de l'AFSSI (2012-2015), aujourd'hui Président d'Honneur

Prestataires de recherche: quel financement?

Représentant les sociétés de services et d’innovation en sciences de la vie, l’Afssi a exposé, lors de sa conférence de presse de rentrée, ses pistes de développement et ses attentes en termes de financement.

Parlant de ses entreprises comme du « dernier rempart pour maintenir la R&D en France » à l’heure où « de nombreux industriels de la pharmacie et de la cosmétique se désengagent » de cette activité, l’Association française des sociétés de services et d’innovation en sciences de la vie (Afssi) a présenté, le 16 septembre, ses orientations pour le développement et le financement.

En la matière, « le crédit impôt recherche est un moteur essentiel, un moyen pour le gouvernement ou l’Etat d’encourager l’innovation, et non une niche fiscale », a plaidé Philippe Genne (en photo), président de cette organisation qui représente 120 PME et ETI spécialisées dans la pharmacologie, la formulation innovante, la chimie ou encore l’industrialisation. Et de déplorer la modification des règles d’application survenue en avril 2014. Le fisc avait alors mis fin à la possibilité, pour les sous-traitants, de toucher les sommes perçues par les donneurs d’ordre au-delà d’un certain plafond. « Cela remet en cause l’impact du CIR », dénonce Philippe Genne. Ainsi, certaines entreprises choisissent de ne pas être accréditées CIR, une consigne que le Syntec numérique a passée à ses membres. « Or c’est un élément extrêmement important pour qualifier et référencer un prestataire. Les Français vont être éradiqués du jeu des appels d’offres », analyse Philippe Genne, qui dénonce une situation « aberrante ». De plus, les projets, déjà évalués par Bpifrance, sont réévalués, « à la libre appréciation des inspecteurs, sur des critères personne-dépendants », fustige Xavier Morge, vice-président de l’Afssi et directeur général de Bertin Pharma. Claude-Alain Cudennec, délégué général de l’association, pointe également les « retards dans la remise des fonds, qui entraînent de gros problèmes sur le terrain », et appelle à une simplification du dispositif. « Nous avons déposé sept saisines auprès de la Médiation nationale », rapporte Philippe Genne.

Espoir dans le plan Junker

L’accès aux financements de Bpifrance ne trouve pas non plus grâce à leurs yeux. Il est prévu que l’entreprise ait une trésorerie équivalente au montant qu’elle demande. « Une règle funeste pour les PME », déplore le président de l’Afssi. « Ce n’est pas formaté pour répondre à la réalité des entreprises technologiques, mais à des besoins extrêmement ponctuels pour le développement des médicaments. C’est de la biotech d’avant », ajoute Claude-Alain Cudennec. « Cet outil fantastique se bancarise beaucoup, avec des bons et des mauvais côtés », analyse-t-il, jugeant que « l’appréhension des technologies, des domaines et des régions se perd », tout comme « l’écoute à l’égard des entreprises existantes ». « Le comité d’évaluation de la BPI, de l’ANR (Agence nationale de la recherche) mesure surtout les risques, générant une situation schizophrène où on est là pour aider l’innovation, mais sans trop de risques », reprend Philippe Genne. A ce sujet, le président de l’Afssi place « beaucoup d’espoir et d’énergie  » dans le plan Junker, dont les fonds sont en cours d’attribution.
Ce programme 2015-2017 prévoit que les Etats européens investissent 32 milliards d’€ pour l’innovation (8 milliards pour la France et autant pour l’Allemagne), et que cela génère, par effet de levier, un investissement total pouvant atteindre les 315 milliards, issus des banques, des assurances, des fonds venture, etc. « Le plan Junker exclurait l’évaluation du risque dans l’attribution des dotations », se réjouit Philippe Genne. Il évalue à 100 millions d’€ sur trois ans le besoin d’investissement pour 40 des 120 entreprises qu’il représente, ce qui permettrait de multiplier par cinq leur chiffre d’affaires et de créer entre 650 et 2.000 emplois. Cependant, ces investissements seront répartis entre les pays. D’où une forte compétition intra-communautaire et une nécessité pour l’Afssi de défendre âprement les projets portés par ses adhérents. De fait, pour le dispositif européen Horizon 2020, doté de 79 milliards d’€, la France contribue à hauteur de 17% mais ne perçoit que 12%.

Travail en association

Le travail en association est une autre condition sine qua non pour le succès et la pérennité de ces entreprises, qui accompagnent le développement de produits, entre la recherche fondamentale et le lancement sur le marché. « Pour amener une offre d’innovation, il faut s’associer, travailler ensemble sur le business model, s’équilibrer économiquement », note Claude-Alain Cudennec. Les coopérations doivent également se faire avec les SATT (sociétés d’accélération du transfert de technologies) et leur réseau Curie, les pôles universitaires, les structures académiques dotées d’infrastructures extrêmement coûteuses. « Nos sociétés leur apportent un savoir-faire dans le domaine de l’accès au marché, de la relation client, du suivi de programme, de la qualité… », indique Philippe Genne.
Les coopérations seront le thème d’une réunion proposée par l’Afssi le 30 novembre, à la veille de la convention d’affaires BioFIT 2015, qui se tiendra à Strasbourg les 1er et 2 décembre.

Muriel Pulicani

Article initialement publié sur www.pharmaceutiques.com